Gestion de crise: Pourquoi un avocat n'est pas le mieux placé pour gérer une crise
- Cyrille Cardonne
- 17 juil.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 juil.
Quand la tempête médiatique fait rage, confier les rênes à votre juriste peut transformer une crise en catastrophe
Le piège du réflexe juridique
Lorsqu'une crise éclate, le premier réflexe du dirigeant est souvent de se tourner vers son avocat. Après tout, n'est-ce pas lui qui maîtrise les risques et sait naviguer dans les méandres réglementaires ?
Cette logique, bien que compréhensible, peut s'avérer fatale pour la réputation de votre entreprise.
Imaginez cette situation : TechFlow, une startup prometteuse, découvre qu'une faille de sécurité a exposé les données de 50 000 utilisateurs. Le PDG, paniqué, confie immédiatement la gestion de crise à son avocat d'affaires. Résultat ? Quarante-huit heures de silence radio, suivies d'un communiqué de presse truffé de jargon juridique qui minimise la responsabilité de l'entreprise.
Les médias se déchaînent, les clients fuient, et ce qui aurait pu être une crise maîtrisable devient un désastre réputationnel.
Le biais juridique : quand le droit aveugle la réalité
Les avocats excellent dans leur domaine, mais ils souffrent d'un biais professionnel fondamental : ils voient le monde à travers le prisme du droit. Cette déformation professionnelle, utile au tribunal, devient toxique en communication de crise.
La logique juridique vs la logique médiatique
Un avocat raisonne en termes de :
Responsabilité légale : "Que peut-on nous reprocher juridiquement ?"
Preuves : "Qu'est-ce qui est démontrable devant un juge ?"
Précédents : "Comment les tribunaux ont-ils tranché des cas similaires ?"
Le public, lui, fonctionne selon des codes émotionnels :
Responsabilité morale : "Cette entreprise a-t-elle agi correctement ?"
Empathie : "Comprennent-ils l'impact sur les victimes ?"
Transparence : "Nous disent-ils toute la vérité ?"
Prenons l'exemple de MediCorp, laboratoire pharmaceutique confronté à des effets secondaires graves sur l'un de ses médicaments. L'avocat préconise une stratégie défensive : "Nous respectons scrupuleusement les protocoles de l'ANSM et les études cliniques n'ont révélé aucun signal d'alarme statistiquement significatif." Pendant ce temps, les familles de victimes témoignent dans les médias, et l'opinion publique ne retient qu'une chose : l'entreprise se cache derrière la technique pour éviter d'assumer ses responsabilités.
Les pièges de la communication juridique
1. Le langage de bois juridique
Les avocats maîtrisent l'art de dire sans dire. Formés à éviter tout engagement qui pourrait être retenu contre eux, ils produisent des messages incompréhensibles pour le grand public.
Exemple de communication d'avocat : "Suite aux allégations portées à notre connaissance, nous tenons à préciser que nos processus sont conformes aux standards industriels en vigueur et qu'aucune violation réglementaire n'a été établie à ce jour."
Ce que comprend le public : "Ils ne reconnaissent rien et se cachent derrière la loi."
2. L'obsession du "sans préjudice"
L'avocat cherche constamment à préserver les positions juridiques futures de l'entreprise. Cette prudence, légitime dans une négociation, paralyse la communication de crise qui exige rapidité et authenticité.
Cas d'école : FoodSafe, chaîne de restauration rapide, fait face à une intoxication alimentaire massive. L'avocat bloque toute communication empathique envers les victimes, craignant que des excuses soient interprétées comme un aveu de culpabilité. Résultat : trois jours de silence, puis un communiqué froid qui évoque "un incident isolé faisant l'objet d'investigations approfondies". Le boycott consommateur qui s'ensuit coûte à l'entreprise 40% de son chiffre d'affaires.
3. Le tempo judiciaire vs le tempo médiatique
Les avocats évoluent dans un monde où prendre le temps de la réflexion est une vertu. En communication de crise, chaque heure de retard amplifie le préjudice reputationnel.
Tempo judiciaire : Des semaines pour constituer un dossier, des mois pour une procédure Tempo médiatique : Des minutes pour réagir, des heures pour être dépassé
Les angles morts de l'expertise juridique
L'ignorance des codes médiatiques
Un avocat peut maîtriser parfaitement le droit de la presse, mais ignorer totalement comment fonctionne une rédaction. Il ne comprend pas que :
Un journaliste a des contraintes de bouclage
Un angle émotionnel prévaut sur la technicité
Le off et le on exigent des stratégies différentes
La méconnaissance des réseaux sociaux
À l'ère du digital, une crise se propage d'abord sur les réseaux sociaux. L'avocat traditionnel, formé aux médias classiques, sous-estime cette dimension. Il ne saisit pas que :
Un tweet peut faire plus de dégâts qu'un article de presse
Les influenceurs pèsent autant que les journalistes
La viralité obéit à des logiques émotionnelles, pas rationnelles
Illustration : GreenTech, entreprise de panneaux solaires, est accusée sur LinkedIn d'obsolescence programmée. L'avocat conseille d'ignorer "ces rumeurs non fondées juridiquement". En 48h, le hashtag #GreenTechScam génère 50 000 interactions et fait chuter l'action de 15%.
L'art de la communication de crise : un métier à part entière
Gestion émotionnelle et empathie
Le communicant de crise sait que l'émotion prime sur la raison. Il comprend qu'il faut d'abord reconnaître la souffrance des victimes avant d'expliquer les faits. Cette empathie, naturelle chez un professionnel de la communication, est contre-intuitive pour un juriste formé à la distance émotionnelle.
Storytelling et narratif
Une crise, c'est avant tout une bataille de récits. Le communicant sait construire une histoire crédible qui repositionne l'entreprise en victime de circonstances exceptionnelles ou en acteur responsable qui assume ses erreurs. L'avocat, lui, s'attache aux faits bruts, négligeant la dimension narrative pourtant cruciale.
Segmentation des publics
Chaque partie prenante (clients, investisseurs, employés, régulateurs) exige un message adapté. Le communicant maîtrise cette segmentation fine, là où l'avocat tend à proposer un message unique, souvent trop généraliste.
La place de l'avocat dans la cellule de crise
Ceci ne signifie pas que l'avocat n'a pas sa place dans la gestion de crise. Au contraire, son expertise est précieuse, mais en arrière-plan :
Conseiller stratégique
L'avocat doit éclairer les implications juridiques des différentes options de communication, sans pour autant dicter le message. Il pose les garde-fous nécessaires tout en laissant la créativité au communicant.
Validation juridique
Chaque message public doit être relu par l'avocat pour éviter les écueils juridiques. Mais cette validation ne doit pas transformer le message en jargon incompréhensible.
Préparation de l'après-crise
L'avocat prépare la défense juridique qui pourrait s'avérer nécessaire une fois la crise médiatique apaisée. Cette anticipation est cruciale mais ne doit pas parasiter la communication immédiate.
Recommandations pratiques
1. Constituez votre cellule de crise en amont
Ne attendez pas la crise pour définir les rôles. Le communicant dirige, l'avocat conseille, le dirigeant arbitre.
2. Formez vos équipes
Organisez des simulations de crise où chacun apprend à travailler selon son expertise sans empiéter sur celle des autres.
3. Définissez des procédures claires
Établissez des protocoles de validation qui permettent la rapidité sans sacrifier la sécurité juridique.
Conclusion : l'art de la complémentarité
Gérer une crise, c'est comme diriger un orchestre : chaque instrument a sa partition, mais seul le chef peut créer l'harmonie. L'avocat reste un musicien virtuose, indispensable à la symphonie. Mais confier la baguette à un juriste, c'est risquer de transformer une mélodie en cacophonie.
La communication de crise est un métier qui s'apprend, qui exige une sensibilité particulière aux émotions humaines et une compréhension fine des mécanismes médiatiques. Votre avocat protège votre entreprise juridiquement ; laissez un professionnel de la gestion de crise et de la communication de crise protéger votre réputation.
Dans un monde où l'opinion publique peut détruire une entreprise plus rapidement qu'un tribunal, cette distinction n'est pas un luxe : c'est une nécessité de survie.
Il est recommandé de faire appel à une agence spécialisée dans la maitrise de la des crises à fort enjeux, comme ARKANE RISK. Avec ses différentes implantation en France ( Paris, Strasbourg, Genève, Annecy ) et à l'étranger cette société fournit des prestations de haute valeur ajoutée permettant à ses clients de véritablement se positionner dans une démarche stratégique.
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