Face à la contagion du chaos : Redéfinir une nouvelle approche temporelle
L'enchaînement des crises, leur intensification et la dégradation systémique de l'ordre international rendent obsolète tout espoir de retour au statu quo ante. Dans ce contexte, repenser notre rapport au temps devient impératif.
Le dynamisme de l'innovation et le développement incommensurable de l'activité humaine et de l'information focalisent notre attention sur le présent, avec tous ses biais émotionnels. Le temps long est souvent perçu comme une forme d'"externalité négative".
En 2006, en France, le commissariat au Plan, établi en 1946 par le Général de Gaulle, a été supprimé, marquant une tendance de fond dans divers secteurs, du militaire à l'entreprise, dévoyant progressivement la notion de stratégie. L'enjeu actuel réside dans la réappropriation de ce temps long tout en agissant face à la "dictature de l'immédiateté". Il s'agit de prendre des décisions de qualité rapidement, orientées vers le long terme, en dégageant les lignes de force du chaos ambiant.
Instaurer une "urgence du temps long" devient essentiel. Reporter une décision peut réduire les options disponibles.
Lutter contre la "comitologie" (Au niveau managérial, la comitologie consiste à organiser le centre décisionnel grâce à des comités thématiques. C'est une problématique nouvelle dans les sciences de gestion, qui étudient la façon dont la gouvernance politique et opérationnelle de l'entreprise agit et se coordonne sur un ensemble de sujets définis) devient nécessaire pour imposer une forte pression temporelle sur les choix stratégiques, afin qu'ils apportent rapidement stabilité et sens au quotidien chaotique.
Cela nécessite la création d'équipes pluridisciplinaires capables de concevoir une vision complète d'un sujet en temps contraint.
Accepter la complexité est crucial. Les outils numériques actuels visent à dompter cette complexité en facilitant la collecte, la synthèse des données et l'accès à la simulation des effets des choix possibles. La prise de décision dans un environnement complexe découle de la capacité à tirer parti de la richesse et de la diversité des visions.
Introduire le risque comme donnée décisionnelle
Le développement de nos sociétés occidentales a conduit à une approche préventive du risque, axée sur la maîtrise et l'évitement anticipé grâce au développement des normes prudentielles. Cependant, la résurgence de la conflictualité rend caduque cette ambition de "maîtrise" du risque.
Il est nécessaire de revoir l'intégration du risque dans nos schémas décisionnels. D'une part, il faut décider d'en prendre, c'est-à-dire faire des choix non strictement prévus ou encadrés. D'autre part, il faut réintroduire le risque en tant que "champ du possible" dans sa dimension de rupture.
Cette approche demande de se ré-approprier les questions de stocks, de standardisation, de frugalité technique et de simplicité tactique pour conserver une capacité d'action en cas de difficultés sérieuses dans la chaîne de commandement.
La contagion du chaos incite à se ré-approprier les fondamentaux de l'action, avec une conscience aiguë des enjeux, un regard lucide sur les difficultés et une confiance inébranlable dans la valeur de l'action collective.
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